lA GRANDE CRUE DE 1910 DANS LE LOIRET
1910 – Alors que le début janvier est très doux, de fortes pluies s’abattent sur la France à partir du 20 janvier. Un tiers de Paris est sous les eaux et la Seine atteint un niveau record de 8,62 mètres au pont d’Austerlitz.
Dans le Loiret c’est la vallée du Loing qui inonde le Gatinais. Montargis qui constitue un goulot d’étranglement, a connu de nombreuses inondations causées par les crues du Loing, mais celle du 20 janvier 1910 est la plus importante crue connue. Les pluis diluviennes s’accentuent (30 mm entre le 19 et le 20 janvier) tombent sur des terres déjà saturées d’eau : le niveau du Loing monte de 2 mètres, atteignant 3,16 mètres au pont du Tivoli. On assiste à des débordements généralisés des nombreux affluents (Le Betz, l’Ouanne, la Cléry, le Solin, la Bezonde, le Vernisson …..) avec parfois des conséquences graves. Cette crue du Loing est exceptionnelle du fait des niveaux historiques et de la rapidité des montées observées. A Conflans-sur-Loing, l’hebdomadaire le Gâtinais du 22 janvier indique que « l’inondation du 20 janvier fut ici, plus terrible que toutes les précédentes ». Plusieurs vieillards de 85 à 90 ans avouent tristement ne jamais avoir vue semblable crue. Le niveau atteint par les eaux du Loing et de l’Ouanne surpassa de 25 cm celui de l’inondation de 1896. La Venise du Gatinais (Montargis) est submergée : « A la suite des pluies diluviennes que nous subissons depuis plusieurs semaines sans interruption, toutes nos rivières qui s’étaient constamment maintenues, depuis le commencement de l’hiver, au dessus du niveau normal, se sont mises à grossir rapidement. Dès mardi, elles commencèrent à envahir les prairies et dans la nuit de mercredi à jeudi, dépassant toutes les prévisions.Le Loing atteignait 3 mètres au pont du Tivoli et l’eau envahissait plus des trois quarts des rues de la ville coupant toutes les communications, suspendant pour ainsi dire la vie de la cité ; les crues les plus fortes de 1856 et 1896 étaient dépassées. En face de la sous-préfecture, il y a 50 cms d’eau. Le lavoir construit récemment près du pont du Tivoli est emporté ainsi que la passerelle conduisant au Tivoli, de nombreux arbres sont déracinés. Sur le Boulevard du Rempart, l’eau, passant par dessus les banquettes en maçonnerie se déverse dans le canal qui, débordant à son tour, inonde tout le quartier de l’impasse de la Raffinerie, la rue du Patis, le quai du canal. Tout le quartier compris entre la rue Périer et la rue Dorée est sous l’eau. Dans la rue Gambetta, il y a 1 mètre d’eau ! Les dégats causés dans les magasins des commerçants de ce quartier sont considérables. Rue Dorée, l’eau interrompt la circulation en deux endroits. La place de la République est transformée en un lac profond de 80 cm à 1 mètre. Le quartier de la Pêcherie est également inondé, partout l’eau coule avec violence »
A Courtenay, la crue « a atteint son maximum vers 11 heures du soir, envahissant l’usine à gaz et plusieurs maisons situées en bordure de prairie. Les fours de l’usine à gaz ont été submergés et le service de l’éclairage public a été, de ce fait, complètement interrompu les 19, 20 et 21 janvier. a Dordives, tous les jardins sont ravagés et presque toutes les caves envahies ; à Chateaurenard, la place du vieux marché est recouverte sous plus d’un mètre d’eau. A Fontenay-sur-Loing « dès 5 heures du matin, l’eau affleurait le tablier du pont de Nargis, coupait les routes de Nargis et de Paris et s’étalait en une nappe de deux kilomètres de large. Les gendarmes de Ferrières, arrivés avant le jour, avaient réveillé les habitants des maisons menacées et aidé dans le bourg au sauvetage des bestiaux dont les étables commençaient à se remplir d’eau. En hâte, les habitants de plusieurs maisons plus particulièrement envahies par l’eau, durent procéder à un rapide déménagement chez les voisins »
Le conseil municipal de Montargis décide l’ouverture de crédits destinés à venir en aide aux sinistrés et une souscription privée est ouverte.
L’inondation du Loing et du Fusain est à l’origine d’un véritable désastre le 21 janvier au hameau de Lorroy entre Chateau-Landon et Dordives (situé dans le département limitrophe de la Seine-et-Marne, à quelques kilomètres seulement du Loiret). Ce petit hameau disparait sous l’éboulement d’une colline haute de 30 à 40 mètres, percée de galeries pour l’exploitation de la craie, infiltrée d’eau à la suite des inondations : « Il fut perçu trois détonations qui se répercutèrent à plus de six kilomètres. La colline a glissé, ensevelissant les maisons, comblant le canal, entravant le cours du Fusain. Les pluies abondantes de ces derniers temps et l’infiltration incessante noyèrent les galeries ; les colonnes de calcaire insuffisamment étayées, furent minées à la base » Le hameau est entièrement enseveli sous la terre : on découvre sous les décombres sept morts et sept blessés.
Dès le 21 janvier, la décrue se généralise dans le Gatinais : l’eau se retire à Montargis et la cote du Loing baisse de 2,78 mètres. L’avenue de la Gare, la place de la République et le Boulevard Durzy sont rendue à la circulation. Une nouvelle crue intervient en Février après de fortes chutes de neige, mais le Loing ne dépasse pas la cote de 1,60 mètres
Dans une moindre mesure, on remarque de multiples inondations des rivières dans l’agglomération d’Orléans : le petit ruisseau La Chilesse inonde les champs entre les Aubrais et le Faubourg Bannier, à Saint-Cyr-en-Val, le Dhuy déborde.
